DEVRED enquête sur son passé
24.06.2016
COURRIER PICARD
Fondée en 1902 à Amiens et en pleine santé, la société recherche les souvenirs de son histoire.
Devred s’appuie sur son passé picard pour avancer
La marque de prêt-à-porter, née à Amiens en 1902, poursuit son développement. Elle recherche des documents racontant un siècle de son histoire et lance un appel.
L’Amiénois Devred se lance dans le prêt-à-témoigner
Née en 1902 à Amiens, la marque pionnière du vêtement « tout fait » pour homme, lance un appel aux souvenirs, objets et anecdotes sur sa longue histoire. Un héritage perceptible encore aujourd’hui.
C’est une tendance forte dans l’industrie de la mode. Certaines marques trop récentes pour en avoir, tentent de se façonner à tout prix un passé, dans le but de nourrir un « story-telling ». Parce qu’aujourd’hui vendre ne suffit plus, il faut aussi (se) raconter. Certaines en viennent ainsi à invoquer l’image d’icônes, pourtant disparues avant même que ces enseignes n’aient vu le jour. Un comble…
Chez Devred, nul besoin de se fabriquer d’histoire authentique. Née à Amiens voici 114 ans, dans une boutique de la rue des Trois Cailloux, à deux pas de la cathédrale, la marque de vêtement pour homme peut toiser sa concurrence, au moins par son antériorité. D’abord baptisée Maison Devred, puis successivement Henri Devred et Devred, l’enseigne n’hésite plus à revendiquer son âge canonique dans son logo, devenu il y a quelques années « Devred 1902 ». Avec le 1902 en rouge.
Démocratiser le costume
Devred souhaite aujourd’hui enrichir la connaissance de son patrimoine, en lançant un appel à la mémoire collective locale assez peu banal. « Devred 1902 » est à la recherche de tous les témoignages, de collaborateurs et clients, relatifs à son histoire plus que centenaire. 114 ans de petites histoires qui ont façonné la grande histoire de cette maison et de notre région. Toute contribution est la bienvenue », explique la marque. Une photo, une coupure de presse, une vieille pub ou même une anecdote ….tout l’intéresse. Surtout ce qui date d’avant les années 1960. Au-delà de la mémoire des plus anciens salariés. Ces souvenirs exhumés des placards des Amiénois et des Picards, viendront s’ajouter aux archives transmises par la famille Devred, sachant que beaucoup ont disparu au cours des deux guerres. Par bouche-à-oreille, des objets sont déjà réapparus, telle qu’une montre datant des années 1930 ou un calendrier promotionnel.
« L’objectif sera de réaliser un ouvrage, d’abord à usage interne, avant de le faire connaître au-delà. Nous sommes une marque plus que centenaire, c’est une chance unique dans notre univers. Généralement, seules les maisons de luxe peuvent se prévaloir d’un tel historique » rappelle Elisabeth Cabrera, le directrice marketing de la marque. Son siège social (150 employés) se trouve toujours dans l’agglomération amiénoise à Glisy, à quelques kilomètres à peine de son pas-de-porte historique.
Un magasin qui n’a pas changé de place depuis. C’est là que le fondateur, Henri Devred, d’abord vendeur à la maison Lacroix de Boulogne-sur-Mer, s’est lancé dans les vêtements « tout faits ». Avec une étiquette sur chaque pièce. L’ancêtre du prêt-à-porter en somme.
L’idée de ce pionnier fut de « démocratiser le costume trois-pièces, avec une quantité de tissu et de coupe, à prix abordable ». Bien sûr, très loin du look de l’offre actuelle mêlant à la fois ville et « casual ». Quoique Devred revendique toujours « des finitions particulièrement soignées, pour un très bon rapport qualité-prix.
A la mort d’Henri à 48 ans, son épouse Léontine a repris les rênes de l’affaire, entourée d’yeux affûtés sur les tendances parisiennes de la mode. C’est Léontine encore qui a déménagé, en convoi, employés et machines pour échapper aux affres des deux guerres, avant de relancer à chaque fois l’entreprise. C’est à elle également que l’enseigne doit la création de catalogues remplis de dessins de vêtements de la maison, faute de photos. Une tendance du croquis qui revient d’ailleurs aujourd’hui.
D’abord confectionnés, par des ouvrières à domicile, les vêtements de la maison Henri Devred furent ensuite fabriqués directement dans des ateliers installés aux étages supérieurs du magasins amiénois. Les vendeurs étaient payés au nombre de clients dont ils s’occupaient. « Nous avons conservé cette proximité particulière avec nos clients », argumente la directrice marketing.
La marque est restée dans la famille Devred jusqu’au rachat par le Groupe Omnium (Burton, Eurodif…) en 1996. Entre-temps, l’enseigne s’est déployée en priorité dans des villes moyennes. Avec des hauts et des bas, rencontrés au gré des aléas de l’économie et de sa longue histoire.
Cet héritage est encore perceptible, au point d’inspirer certains choix d’aujourd’hui. Devred teste ainsi actuellement de nouvelles offres personnalisées sur des tissus et finitions. Une idée que Devred 1902 revendique comme un retour aux sources.
La vente en ligne progresse
Comme d’autres acteurs du secteur, Devred a constaté une baisse de trafic dans ses magasins ces dernières années. Et une hausse sur sa boutique en ligne. Les ventes de textile-habillement par internet ont bondi de +6,8% sur un an et au 1er semestre 2016, pour atteindre 5 milliards d’euros, selon une récente étude de l’IFM (mode) et de FEVAD (vente en ligne). Ce score s’inscrit dans un contexte global de repli des ventes (-1,6% sur un an), à cause de la météo pluvieuse et du climat social tendu au printemps. Le web représente désormais un sixième (16,7%) des dépenses d’habillement (contre 2% en 2006). Les dessous féminins, suivis des masculins, sont en tête des ventes. L’habillement pour homme arrive plus loin, l’essayage et le conseil en magasin restant cruciaux. Les clients préparent de plus en plus leurs achats sur le web, avant de se déplacer (« web to store »). L’heure ne serait donc pas (encore ?) à la cannibalisation du web sur la boutique. L’étude le confirme d’ailleurs : pour la première fois, les sites web des enseignes physiques (comme Devred) arrivent en tête des ventes en ligne de l’habillement, devant les historiques de la vente à distance (telle que La Redoute) et les « pure-players » (dont vente-privée.com).